Une naissance qui sauve une famille…
« Ma vie a commencé un certain 30 mars d’une certaine année, dans un pays lointain situé en Afrique de l’Ouest. Mon père s’appelle L. et ma mère M.
Mon père n’était pas content que ma mère ne mette au monde que des filles. Elle en a enfantées huit, toutes très belles, mais c’était des filles. Mon père les aimait mais n’a pas arrêté d’espérer celui qui allait perpétuer son nom : un fils. Il lui fallait un garçon. Alors, il a pris une seconde épouse dans l’espoir d’avoir ce garçon. Les deux femmes sont tombées enceintes en même temps. Après des heures de souffrances et de douleurs, ma mère m’a mis au monde ; l’épouse de mon père n’a pas eu cette chance : elle est morte, son bébé aussi. Moi, j’étais bien vivant et c’est pour cette raison que ma mère m’a donné le nom de Dieu Merci qui rend gloire à Dieu tout puissant.
J’ai passé une enfance très douce
J’ai passé une enfance très douce au milieu de mes sœurs qui chantaient pour moi, me racontaient des histoires, me donnaient des conseils pour être le meilleur. C’était la joie dans la famille, on riait beaucoup. Mon père travaillait à la présidence d’ONATRA (office national des transports), on ne manquait de rien. Il surveillait mes études, il me disait toujours « il faut étudier, apprendre, pour être utile dans la société  ». J’ai grandi avec cette idée de réussite pour les autres.
A ce moment là , le déchirement était fort
En 2015, Mon père a pris une grande décision. Une décision qui allait changer ma vie, moi, le garçon unique entouré de femmes douces qui me choyaient, j’allais être confronté au choix de mon père : « Tu vas, en août quitter le pays. Tu vas rejoindre ton oncle en France  ».
A ce moment là , le déchirement était fort : quitter ma douce famille ou réaliser mon rêve de voyager. Je n’avais pas le choix de toute façon. Je n’avais pas le droit non plus de pleurer : j’étais devenu un homme. Il fallait que je considère cette séparation comme une chance. Je cache mes sentiments profonds pour ne pas paraitre faible. La famille m’aide, la famille me soutient, la famille m’apprend à bénir cette chance, la famille m’encourage. C’est là que j’ai commencé à être content de voyager.
La France, je la voyais dans mes rêves. Je l’imaginais grande, propre, avec des immeubles modernes.
Le jour du départ arrive.
Pourquoi tu pleures ?
Ma mère était fière de moi, c’est ce que je voyais. Je me suis demandé si elle souhaitait vraiment mon départ… Je ne saurais peut-être jamais ce qu’elle pensait à ce moment là . Mes sœurs, elles, ont beaucoup pleuré sur le chemin de l’aéroport. J’ai pleuré aussi. J’ai pleuré chaudement. Mon père, toujours droit, m’a dit : « Pourquoi tu pleures ? Tu es un homme ! Vas te battre  ». Et c’est ainsi, sur ces mots, que la séparation s’est faite. Réussir. Une lourde responsabilité.
Avec les miens qui s’éloignent, mon corps change, mon esprit change, je sens que je deviens responsable de quelque chose que j’ignore encore mais que je vais connaitre. Le hublot rétrécit le grand pays qui est le mien, tout devient petit, je m’élève au dessus des nuages et je songe à ce qui m’attend. Comme tous les jeunes de mon âge, je rêve de cette vie en Europe. Maintenant que mon rêve est en train de devenir réalité, je me pose des questions sur la manière de réussir.
Mon oncle est là . Je vois sa main me héler, son sourire m’accueillir. Il est vraiment content et commence à me poser des questions essentielles : « Comment va la famille ?  ». Ma bouche répond avec sincérité mais mon esprit ne parvient pas à classer mes propres questions en catégories : Comment réussir ? Qui vais-je rencontrer ? Aurais-je des amis ? Comment sont les professeurs ici ?  »
